« Nous avons appris ce que pouvait être une vie heureuse »

Enkhjin a désormais 22 ans. Avec ses frères et sœurs, elle a été accueillie au Village d’Enfants et d’Adolescents de Cesson pendant plusieurs années. La plus jeune de ses sœurs y vit toujours. Rencontre avec une fratrie incroyablement soudée.

Nous ne voulions pas être séparés. Nous voulions même dormir ensemble ». Lorsque Uugii, Enkhjin, Tengis et Milène sont confiés à l’Aide sociale à l’enfance, ils sont d’abord placés dans un foyer d’urgence. Mais leur souhait le plus cher était de pouvoir vivre ensemble, dans une même maison. Leur vœu est exaucé quelques mois plus tard quand des places se libèrent au Village d’Enfants et d’Adolescents de Cesson. Ils ont alors respectivement 16, 14, 12 et 7 ans. « Nous avons vécu tous les quatre, dans la même maison pendant deux ans, jusqu’à ce que ma sœur aînée parte du Village. Nous mesurions la chance qui nous était offerte, comparé à ce que nous avions pu vivre précédemment avec nos parents qui étaient très instables, témoigne Enkhjin. Lors des audiences chez le juge, ma mère remerciait chaque fois ACTION ENFANCE et l’État français de nous permettre de vivre la même existence que les autres enfants. Nous pleurions mais, au fond de nous, nous savions qu’elle avait raison. »

Découvrir une forme de normalité

Au Village, la fratrie se crée une double culture, associant les valeurs de leurs origines mongoles (l’entraide, la solidarité, le soutien) aux us et coutumes français. Ils découvrent les fêtes occidentales qu’ils ne célébraient pas avec leurs parents, partent en vacances en camping, dévorent des livres, se font des amis, poursuivent leurs études, connaissent enfin la stabilité. « Cette vie au Village a posé un cadre, nous a montré ce que pouvait être une vie heureuse. Nous ne nous lassons pas d’évoquer ces souvenirs », poursuit elle. À Cesson, Enkhjin découvre le judo, qu’elle pratique encore maintenant dans le club local, en parallèle de la poursuite de ses études supérieures. « J’ai créé des liens avec mon entraîneur, je m’y suis fait des amis. Plus que du sport, c’est un véritable lien social. »

Aux petits soins avec la benjamine

Cette fratrie, très importante pour chacun, a un sens développé de la famille et de l’entraide. Uugii, l’aînée, a obtenu des droits d’hébergement pour sa petite sœur, Milène, toujours accueillie au Village. L’occasion pour toute la fratrie de se retrouver en famille avec leur père lors des droits de visite, leur mère étant malheureusement décédée. Les liens forts qu’ils ont noués avec leur ancienne éducatrice familiale fournissent aussi de merveilleuses occasions de passer du temps ensemble. « Ma petite sœur a un point d’ancrage chez elle. On s’y retrouve souvent tous les quatre, ou deux par deux, en vacances ou en week-end. C’est une sorte de figure maternelle, une adulte à qui nous faisons toute confiance et à laquelle nous sommes très attachés. »

Enkhjin est très soucieuse du bien-être de sa petite sœur. « En tant qu’aînées, ma sœur et moi, nous avons toujours un peu porté notre famille sur nos épaules… », explique-t-elle. Il lui semble donc tout naturel de participer aux réunions scolaires, d’accompagner Milène chez le médecin, de la suivre dans ses activités. Tengis, leur frère, qui vit à présent en Suisse, reste proche de Milène. Il a lui aussi fait une demande de droits de visite et d’hébergement afin de pouvoir l’accueillir chez lui. Une solidarité qui fait la force de cette fratrie, d’où l’importance de leur avoir permis de grandir ensemble.

Grandir avec ses frères et soeurs : un besoin

Dans nos Villages d’Enfants et d’Adolescents, frères et sœurs grandissent ensemble sans risquer d’être séparés. Ce maintien des liens favorise leur reconstruction.