Les lois sur la protection de l’enfance

Qu’est-ce que la protection de l’enfance ?

Il s’agit d’une politique définie par l’article L. 112-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) qui « vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. » 

Elle recouvre la prévention, le repérage et la prise en charge des situations de danger ou de risque de danger pour les enfants ainsi que la mise en œuvre de mesures de protection administrative ou judiciaire des mineurs et des majeurs de moins de 21 ans. 

En France, cette politique est confiée en grande majorité aux conseils départementaux et aux collectivités territoriales à statut particulier, qui délèguent la partie opérationnelle à leurs services d’aide sociale à l’enfance (ASE).

Evolution et enjeux des lois sur la protection de l’enfance

Selon la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui vise à reconnaître et protéger les droits des enfants, chaque enfant a le droit d’être protégé, nourri, soigné, éduqué, de s’exprimer, d’avoir des loisirs, etc. 

En France, la première forme de réglementation autour de la protection de l’enfance est apparue après la Révolution française. En 1793, une loi a été adoptée pour garantir le « droit au secours », c’est-à-dire l’obligation pour la nation de secourir les enfants abandonnés. C’est donc la première forme d’assistance publique à une époque où le phénomène des abandons d’enfants est important.

En 1889, le concept de protection de l’enfance s’étend avec la loi du 24 juillet 1889 sur la protection judiciaire de l’enfance maltraitée qui traite, pour la première fois, des enfants « moralement abandonnés ». Le législateur peut dorénavant protéger l’enfant contre ses parents, en prononçant la déchéance de la puissance paternelle.

Quelques années plus tard, la loi du 19 avril 1898, relative à la répression des violences, inscrit l’idée que l’enfant a des besoins spécifiques et qu’il ne s’agit pas seulement de le réprimer ou de le suppléer, mais également de l’aider.

En 1912, les tribunaux pour enfants sont instaurés. La loi du 22 juillet 1912 prévoit la création d’une juridiction spécifique pour juger les enfants délinquants et l’institution d’une législation pénale spécifique. Le juge pour enfants est juge d’instruction, juge de fond et juge de l’application des peines.

En 1956, l’Assistance publique devient l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Ce service est confié à l’État par le biais des directions des affaires sanitaires et sociales (DDASS) qui doivent permettre une meilleure coordination entre les services s’occupant des enfants. 

Dans les années 1970, on assiste à un assouplissement des lois sur la protection de l’enfance : la loi du 4 juin 1970 modifie les conditions de mise en place de l’assistance éducative, ainsi que celles de la déchéance de l’autorité parentale. Le maintien dans le milieu familial est privilégié.

Entre 1969 et 1972, avec la mise en place d’un service unifié de l’enfance, la tutelle de l’enfance, jusque-là confiée à des administratifs, est progressivement investie par des professionnels de l’action sociale : éducateurs spécialisés, assistantes sociales, psychologues, pédopsychiatres, qui modifient les pratiques. De plus, à travers une prise en charge plus précoce et mieux coordonnée, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) devient un service d’aide à la famille, et non plus uniquement un service de protection de l’enfance.

Cependant, au cours des années 1970-1980, le service se voit reprocher des pratiques abusives (retraits et placements abusifs). Aussi, l’enfant et ses parents sont progressivement réintroduits comme partenaires de la prise en charge. Les circulaires des 18 et 21 mars 1983 relatives à la protection de l’enfance proposent la mise en place de lieux de rencontre et d’écoute de la parole des parents en difficulté.

En 1983, avec la loi de décentralisation du 22 juillet 1983, l’Aide sociale à l’enfance (ASE), jusque-là confiée à l’Etat, est transférée aux départements français afin de rapprocher le lieu de décision du citoyen.

La loi du 6 juin 1984 instaure le droit des familles à « sortir d’une logique d’assistance et d’exclusion, en créant des conditions de nature à favoriser de nouveaux rapports entre les institutions et les usagers considérés comme responsables par-delà la dépendance dans laquelle ils peuvent se trouver ». Sont donc reconnus, notamment, le droit d’être informés sur les conditions et les conséquences d’une intervention sociale, le droit, pour les parents, de participer aux décisions essentielles concernant leur enfant, celui, pour l’enfant, d’être associé aux mesures le concernant, tout autant que celui de faire appel contre les décisions de l’ASE.

La loi du 6 janvier 1986 élargit la mission du département en matière d’aide sociale à l’enfance. Il ne s’agit plus seulement d’accorder des prestations, mais de mener une action de soutien au développement de chaque enfant en difficulté.

En 1990, la France ratifie le traité de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) promulgué par l’ONU qui énonce les principaux droits de l’enfant : le droit à une identité, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux, le droit d’expression sur toute affaire le concernant et le droit à une protection adaptée à sa condition de minorité dans le travail, l’information…

Cependant, dans un contexte de drames fortement médiatisés, l’inefficacité des services d’aide sociale à l’enfance (ASE) est vivement critiquée : une trop grande place est accordée aux droits des parents, la communication entre professionnels est insuffisante. 

Ainsi, depuis 2007, deux lois ont réformé la protection de l’enfance et réaffirmé les droits et les besoins fondamentaux de l’enfant :

  • La loi du 5 mars 2007 qui a permis de clarifier les missions et les compétences des différents acteurs en protection de l’enfance, de développer la prévention et renforcer le dispositif d’alerte et d’évaluation des risques de danger . Elle a également permis d’améliorer et diversifier les modes d’intervention, ainsi que de développer les droits des enfants et des familles.
  • La loi de 2016 institue un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) auprès du Premier ministre qui vise à assurer une plus grande stabilité des parcours des enfants protégés. Désormais, le conseil départemental peut saisir directement le parquet s’il existe un danger grave et immédiat, en particulier dans les situations de maltraitance.

En 2019 est adopté le « Pacte pour l’enfance ». Il vise à améliorer la situation des enfants placés par le renforcement de la lutte contre les violences faites aux mineurs et la réforme de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il repose sur 3 piliers :

  • La prévention et l’accompagnement des parents du quatrième mois de grossesse aux 2 ans de l’enfant, tous les experts de la petite enfance s’accordant sur l’importance de ces 1 000 premiers jours de la vie ;
  • La lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants

Une réforme de l’ASE destinée à garantir le respect des droits des enfants protégés et à mieux répondre à leurs besoins fondamentaux.

La loi Taquet (2022)

La plus récente évolution en protection de l’enfance en France date du 7 février 2022 avec l’adoption de la loi relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », en référence à l’ancien Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance, Adrien Taquet, qui en a été le porte-parole. 

Cette loi est venue apporter plusieurs améliorations sur les conditions de repérage, d’accueil et d’accompagnement des enfants placés :

  • La volonté de mobiliser, préserver et développer les ressources autour de l’enfant protégé : l’accueil chez un proche est privilégié en assistance éducative, principe de non-séparation des fratries renforcé, renforcement de l’entourage des enfants (par le parrainage par exemple) ;
  • Des dispositions favorisant la sécurité des accueils : lutte contre la maltraitance institutionnelle, interdiction de l’hébergement dans des hôtels, contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels ;
  • Des dispositions relatives à l’exercice du métier d’assistant familial (en famille d’accueil) : contrôle des conditions d’accueil, nouvelles conditions de travail, accompagnement des assistants familiaux obligatoire, possibilité de travailler au-delà de 67 ans pour éviter des ruptures
  • Des dispositions concernant l’accompagnement des jeunes majeurs (fin des « sorties sèches ») : accompagnement à l’autonomie lors de l’adolescence (entretien avant sortie), tout mineur confié à l’ASE et arrivant à majorité doit se voir proposer un accompagnement du département, droit d’aller et retour et entretien obligatoire 6 mois après la sortie pour les jeunes majeurs, aide à l’accès aux aides au logement pour les mineurs et les jeunes majeurs ; 
  • Des dispositions relatives aux mineurs non accompagnés (MNA) : A noter, c’est la première fois que les MNA sont cités en tant que tel dans le Code de l’Action sociale et des Familles (CASF) ;
  • Des dispositions spécifiques sur la santé des enfants : expérimentation des maisons et des familles dans les départements volontaires, renforcement du parcours de soin des enfants protégés.

A cela s’ajoutent des dispositions techniques complétant le droit applicable au titre de la protection de l’enfance et des dispositions relatives à la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance.

Pour aller plus loin : 

Grandir avec ses frères et soeurs : un besoin

Dans nos Villages d’Enfants et d’Adolescents, frères et sœurs grandissent ensemble sans risquer d’être séparés. Ce maintien des liens favorise leur reconstruction.