Le défi d’une scolarité sur mesure

Le parcours scolaire des enfants accueillis par ACTION ENFANCE représente parfois un défi de taille. Pour leur redonner confiance, les équipes de la Fondation les accompagnent au quotidien afin de leur permettre de s’épanouir en milieu scolaire. De la maternelle aux formations diplômantes, le bien-être de chacun, grâce à une scolarité sur mesure, est au cœur du projet de la Fondation.

Droit fondamental des enfants, l’éducation est essentielle à l’intégration sociale et professionnelle de chacun. Les enfants accueillis en Protection de l’enfance font face à des défis particuliers dans leur parcours scolaire. À fin 2021, parmi les enfants âgés de 11 ans qui devraient être scolarisés dans un collège, 40 % des enfants de l’ASE sont encore en primaire contre 7 % dans l’ensemble de la population(1). La déscolarisation est également plus importante, notamment pour les jeunes entrés récemment dans un établissement de l’ASE : seulement 92 % des enfants de 3 à 15 ans arrivés depuis moins de trois mois sont scolarisés, contre 98 % pour ceux accueillis depuis plus longtemps(1). Mais s’interroge-t-on suffisamment sur les raisons profondes de ces retards ? Ces chiffres énoncent des faits. Pas une fatalité. C’est en tous les cas la conviction d’ACTION ENFANCE qui souhaite donner la
possibilité à chacun de faire les études de son choix, selon ses capacités. Même si cela implique de l’accompagner dans ses projets au-delà de 21 ans. Dans son plan stratégique 2024-2028, la Fondation réaffirme clairement cette volonté : « Favoriser pour chaque enfant et chaque jeune l’engagement dans un parcours scolaire et un projet professionnel ambitieux, réaliste et adapté au marché du travail. »

À l’écoute des besoins

De la maternelle au primaire, tous les enfants sont scolarisés dans les écoles environnantes. Toutefois, les équipes éducatives ont le souci de diversifier les établissements. Certains Villages peuvent scolariser les
enfants et adolescents qu’ils accueillent dans une vingtaine d’établissements différents (voir infographie). « Il est essentiel à nos yeux de créer les conditions qui permettent d’éviter la stigmatisation et mettent les enfants en lien avec d’autres enfants et d’autres adultes, expose Sophie Perrier, directrice adjointe de la direction de l’innovation et de l’amélioration de la qualité (DIAQ). Cette diversification permet une intégration plus discrète dans chacun des établissements. Elle est plus lourde en termes d’organisation pour les équipes éducatives, mais c’est indispensable pour que les enfants puissent s’investir dans les apprentissages. » L’accompagnement aux devoirs est un point fort de la Fondation. Il fait partie du rituel de la fin de journée. Certains éducatrices/teurs familiaux supervisent les devoirs dans la maison où vivent les enfants, d’autres choisissent de les regrouper par niveaux, afin que chacun profite au mieux de ce temps d’études ou de lecture. Les éducatrices/teurs de semi-autonomie en font la remarque : les jeunes qui ont vécu au sein des Villages de la Fondation ont un rituel de devoirs mieux installé que les adolescents qui viennent d’autres structures de la Protection de l’enfance. « C’est très lié à notre mode d’accueil de type familial où, comme dans une famille classique, les enfants font leurs devoirs après le goûter », souligne Sophie Perrier.

Alain Mauriès Consultant en ressources humaines, administrateur d’ACTION ENFANCE membre des commissions éducative et sociale et nomination du conseil d’aministration

La scolarité, c’est bien plus que des notes ou des diplômes : c’est ce qui permet de construire sa vie professionnelle et personnelle. Pour beaucoup d’enfants placés, les exemples de réussite académique dans les familles sont rares et l’idée de poursuivre des études supérieures peut sembler inaccessible. Pour autant, personne ne devrait s’interdire de rêver au métier qu’il souhaiterait exercer et travailler en ce sens dès l’école ! Qu’il s’agisse de se projeter dans un métier manuel, artisanal ou de service, que l’on rêve d’être pâtissier ou ingénieur en aéronautique. Lorsque j’étais DRH, j’avais toujours un regard particulier sur les CV de jeunes diplômés venant de quartiers défavorisés. Quel que soit le milieu social d’origine, le droit de faire des études doit être préservé si les enfants en ont la capacité. Les jeunes accueillis par ACTION ENFANCE ont plus que quiconque besoin de soutien, de mentors, de modèles. Ils ont besoin qu’on leur parle des réussites d’enfants qui ont été dans la même situation qu’eux, qu’on leur fasse découvrir des métiers. C’est le sens des partenariats mis en place avec des entreprises et que la Fondation a la volonté de renforcer.

Former pour mieux accompagner la scolarité

Pour renforcer les compétences des éducatrices/teurs familiaux sur le plan de la scolarité, ACTION ENFANCE a fait appel à Acadomia, partenaire depuis plus de dix ans, pour concevoir une formation sur mesure. l’Éducation nationale. Trois grandes thématiques sont abordées : l’amélioration du lien avec les établissements scolaires, la compréhension des attendus des enseignants afin de mieux appréhender les difficultés rencontrées par les enfants et les accompagner au mieux, la sensibilisation à la nécessité d’avoir une ambition scolaire pour chacun, en tenant compte de ses aptitudes et de ses appétences. « Les éducatrices/teurs familiaux font un travail remarquable, mais ils sont parfois démunis face aux enjeux scolaires. Cette initiative de la Fondation est révélatrice de l’attention qu’elle porte à l’épanouissement des enfants mais aussi à l’accompagnement de ses équipes. Dans mon parcours professionnel, j’ai été assistante d’éducation dans un collège où étaient scolarisés les enfants de deux Villages ACTION ENFANCE. J’ai observé ce que cela représentait d’accompagner ces jeunes mais aussi les trous qu’il peut y avoir dans la communication avec le corps enseignant et l’Éducation nationale. C’était fantastique de pouvoir boucler la boucle », souligne Aurélie Poulin, directrice de la pédagogie Factory d’Acadomia, qui était très enthousiaste à l’idée de concevoir cette formation.

Optimiser les chances de réussite

Dans les Villages de la Fondation, un soutien scolaire est proposé pour les matières fondamentales : français, mathématiques, sciences, histoire et géographie. Les équipes n’hésitent pas à solliciter des intervenants extérieurs en cas de difficulté dans une discipline pour apporter de la méthode ou réviser à la veille d’examens. Car, outre les lacunes scolaires et les retards fréquents chez les enfants accueillis, nombre d’entre eux ont perdu confiance dans leurs capacités.
D’anciens enseignants, des bénévoles d’associations locales, des étudiants ou des organismes spécialisés comme Acadomia, Meetin Class ou ProfExpress dispensent des cours collectifs ou des soutiens individuels. Il s’agit tout autant de remobiliser les enfants que de consolider les apprentissages. Ce soutien scolaire est financé à 45 % grâce à la générosité des donateurs de la Fondation. Par ailleurs, ACTION ENFANCE veille à ce que les enfants et adolescents s’autorisent à avoir des ambitions. Trop souvent, leur histoire les empêche de s’imaginer faire des études. Loanna est une jeune fille intelligente. Elle est la seule de toute sa famille, parents, frères et sœurs compris, à ne pas avoir de retard mental ou de troubles psychiques. « Elle porte ce poids : « Pourquoi ne suis-je pas déficiente comme les autres ? » Et cela l’empêche d’avancer, témoigne Sandra Macé, directrice de territoire du Loiret. Aujourd’hui, elle vise un CAP alors qu’elle a les capacités intellectuelles pour poursuivre au lycée. Il est important d’avoir conscience de cette charge mentale pour, chaque jour, l’encourager, la rassurer, la stimuler. Ce n’est pas simple, mais elle doit avoir sa chance ! »

Sandra Macé Directrice de Territoire du Loiret

Dans nos Villages, nous accueillons de plus en plus d’enfants porteurs de handicap et nos éducatrices/teurs familiaux ont l’habitude de s’occuper d’enfants et d’adolescents qui présentent des déficiences intellectuelles. Sans doute notre mode d’accueil de type familial favorise-t-il leur placement chez nous. Ce qui est nouveau, c’est le nombre d’enfants de 2 ou 3 ans qui présentent des troubles du neurodéveloppement, de la relation, du spectre autistique, etc. Une scolarité « normale » ne serait pas adaptée ; les enfants ne profiteraient pas des apprentissages et très vite s’installerait un manque d’estime d’eux-mêmes. Nous avons donc recours à des ateliers à pédagogie différenciée, comme la méthode Montessori par exemple. Les enfants que nous accueillons ont besoin de bienveillance pour avoir envie d’apprendre. Ils ne la trouvent pas toujours dans les établissements scolaires ni même dans les établissements médico-sociaux, dont la mission est précisément de prendre en charge leur scolarité dans un cadre de soin.

Oser faire des études

Sur les 1 100 enfants accueillis au sein des Villages d’Enfants et d’Adolescents, près de neuf sur dix sont inscrits dans un parcours scolaire ou de formation. Dans leur grande majorité, à partir de 15 ans, les adolescents se dirigent vers des filières professionnelles courtes. Nous avons eu l’occasion dans les lignes de ce magazine de présenter des jeunes gens qui ont suivi un cursus à l’université, en école d’ingénieurs ou école de commerce et sont aujourd’hui épanouis dans leur métier. Grâce à la générosité de ses donateurs et partenaires privés, la Fondation, via son dispositif ACTION+, peut financer des études supérieures et apporter le soutien matériel, organisationnel et moral dont ils ont besoin. La mise en lien avec des entreprises partenaires d’ACTION ENFANCE est un levier supplémentaire dans cet accompagnement bienveillant. « Je pense à ce jeune homme qui peinait à trouver une alternance en raison de son instabilité psychologique. Nous l’avons mis en relation avec Twelve Consulting, entreprise de conseil avec qui nous partageons les mêmes valeurs. Je ne dis pas que son parcours a été linéaire, mais après une alternance et un CDD, il a signé un CDI ! », évoque Moner Boulacheb, responsable du dispositif ACTION+. De plus en plus nombreux, les exemples de réussite sont encore trop rares aux yeux de la Fondation. C’est tout l’objet du soutien inconditionnel porté par ACTION+. « Faire des études pour un adolescent qui est, ou a été, en situation de placement ne va pas de soi. Il privilégiera un CAP afin de pouvoir gagner rapidement sa vie. Il s’autorise rarement à envisager de longues études », estime Moner Boulacheb. Les exemples de réussite – que ce soit au travers d’études supérieures ou des parcours courts mais réellement choisis – sont partagés avec les équipes des Villages. « Cela démontre que des rêves sont accessibles au sein de la Fondation, avec le soutien d’ACTION+. »

Moner Boulacheb Responsable ACTION+

Lorsque les éducatrices/teurs familiaux expliquent que la fin du placement ne rime pas avec études courtes, les jeunes s’autorisent à être plus ambitieux.

Éviter le décrochage scolaire

Une étude France Stratégie (2) révèle qu’un enfant placé sur quatre est déscolarisé au moins une fois pendant au moins deux mois au cours de sa scolarité, précisant que ces périodes de rupture sont fréquentes la première année de placement et qu’elles progressent à partir de 11 ans. Le comportement
des enfants en classe est souvent évoqué pour justifier un renvoi ou une orientation dans une classe adaptée. « Même lorsque nous expliquons que ces enfants sont avant tout des victimes, l’incompréhension subsiste très souvent. Les équipes enseignantes ne sont pas formées à la Protection de l’enfance, aux traumatismes que ces enfants ont subis et qui entravent leur disponibilité aux apprentissages », regrette Jérôme Foisnet, directeur du Village de Monts-sur-Guesnes. Les équipes d’ACTION ENFANCE soutiennent les enfants autant qu’elles le peuvent, même quand le dialogue avec le corps enseignant n’est pas simple. Le directeur de ce Village évoque le cas de Félix, un garçon présentant des troubles de comportements très envahissants, à qui les médecins ont prescrit des « widgets »(3) destinés à l’aider à décharger son énergie et à éviter de se disperser. Malgré les explications fournies en amont, ces objets thérapeutiques lui ont été confisqués et il a été convoqué en conseil de discipline.
« Renvoyé, Félix a pu être inscrit dans un autre collège, en convenant dès le départ d’un emploi du temps aménagé pour alléger ses journées. Dans ces conditions, il a pu poursuivre sa scolarité au collège. Il est aujourd’hui en troisième. C’est une grande satisfaction, mais c’est une lutte de chaque instant », relève Jérôme Foisnet.

Alexandra, 19 ans En 1ère année de BTS Support à l’action managériale, ancienne du Villae d’Enfants et d’Adolescents de Soissons

Après mon bac pro d’Assistance à la gestion des organisations et de leurs activités, je ne me voyais pas arrêter mes études. Mes résultats scolaires étaient assez bons pour que je prépare un BTS. Ensuite, j’aimerais bien faire une licence en alternance.
Je sais que c’est diffi cilede trouver une entreprise, mais ça se tente !
Devenir étudiante, quand on a été placée, c’est compliqué sans soutien extérieur. J’ai pu compter sur ACTION+ et sur William, le référent pour la région de Soissons. Il m’a aidée dans toutes les démarches administratives qui sont fondamentales pour moi. On n’est pas préparé à tout cela quand on a 18 ans ! La bonne nouvelle, c’est que lors de mon rendez-vous à la mairie pour déposer une demande de logement, j’ai décroché un job pour cet été au service État-civil. »

Redonner confiance

Pour Joséphine, 7 ans, rejetée par sa maîtresse, son inscription dans une autre école primaire a été salutaire. La nouvelle enseignante accepte les éclats de voix, les frustrations, les comportements qui peuvent paraître inappropriés en classe. Elle lui a fait un très bon accueil et Joséphine peut s’investir dans sa scolarité. Parfois, les équipes éducatives sollicitent des aménagements d’emploi du temps. « Les enfants et adolescents accueillis dans les Villages ont des agendas très chargés. Les suivis médicaux, les auditions avec le juge, les droits de visite des parents sont autant de rendez-vous extra-scolaires qui les perturbent, bousculent les journées d’école et réduisent les possibilités de travail personnel », détaille Sophie Perrier. Lorsque les enfants sont en grande difficulté psychologique, il faut savoir se dire « tant pis, il y aura moins d’école », afin de ne pas ajouter de la souffrance à la souffrance : l’école est rarement l’endroit où les enfants se sentent valorisés ! « Alors, on desserre un peu l’étau », confie Jérôme Foisnet. En accord avec l’école, on décide de n’envoyer l’enfant en classe que le matin ou de privilégier les matières dans lesquelles il se sent plus à l’aise. Et, plus tard, dans quelques mois, parce que des nœuds se seront défaits avec ses parents ou qu’il aura accepté le placement, il pourra reprendre le cours de sa scolarité en étant disponible psychiquement. C’est cela aussi, veiller au bien-être et à l’éducation des enfants : leur éviter des charges mentales et des ruptures supplémentaires.

Les aider à se forger un réseau

Dans leur grande majorité, les enfants et adolescents accueillis par la Fondation ont peu d’exemples
de réussite professionnelle dans leur entourage et leurs parents ne sont pas toujours en capacité de nourrir une ambition scolaire pour eux. L’absence de réseau les pénalise. C’est pourquoi, certains Villages ACTION ENFANCE mettent en place un mentorat à l’entrée au collège. Une soixantaine d’enfants bénéficient par ailleurs d’un parrainage qui leur ouvre de nouvelles perspectives. Les entreprises partenaires jouent, elles aussi, un grand rôle en intégrant des adolescents à l’occasion de stages ou d’alternance qui parfois se transforment en CDI. Certains collaborateurs de ces sociétés deviennent mentors pour accompagner les jeunes gens dans leur orientation, les aider à se présenter dans un cadre professionnel. Toutes ces actions sont indispensables pour leur assurer une meilleure insertion sociale et leur permettre de devenir acteur de leur vie.

Soyez présent à chaque étape de leur vie

Avec 15 € par mois (3,75€ après déduction fiscale), vous participez notamment à prendre en charge des séances régulières avec un psychologue qui aideront un enfant à surmonter des souffrances qui le dépassent.