Les maisons en Villages d’Enfants accueillent entre 5 et 6 enfants, de 0 à 18, voire 21 ans. Sauf exceptions (« maisons d’ados » par exemple), la composition des maisons n’est pas organisée par tranches d’âges, ce qui permet d’accueillir sous un même toit une ou plusieurs fratrie(s) de 2 à 6 enfants. Cet accueil en fratrie est une possibilité, pas un principe inconditionnel : la présence des frères et sœurs dans la maison est considérée, non pas comme un bien en soi, mais comme un support pour permettre à chaque enfant de se construire et de bien grandir. Le placement est un bouleversement. Le soutien des frères et sœurs est alors important : la fratrie peut être un lieu de ressources, de compréhension de la situation, de réassurance.
Les parents sont les figures d’identification et d’attachement principales de l’enfant. Au moment du placement, ce dernier voit son environnement d’origine, qui a structuré la construction de son identité et de ses rapports au monde, fortement secoué et remis en question. La possibilité d’accueillir en fratrie permet de ne pas ajouter systématiquement à la séparation entre parents et enfants une séparation supplémentaire, celle des frères et sœurs. Se donner les moyens de les accueillir ensemble permet de préserver des liens qui peuvent apporter à chacun des enfants concernés un soutien, un étayage, et qui ont l’évidence et l’inconditionnalité des liens familiaux.
Lorsque les liens fraternels sont effectivement soutenants, ils rassurent, diminuent le sentiment d’isolement, d’impuissance et de perte de sens. La présence des frères et sœurs permet de mieux faire face à la séparation d’avec les parents et à la confrontation avec leurs problématiques; elle permet aussi de mieux accepter le nouvel environnement offert, de s’y intégrer, de s’y investir pour continuer à se construire et à grandir. Les plus grands sont responsabilisés par la présence des plus petits, et légitimés en tant qu’ainés, ce qui tend à limiter, voire à éviter, les comportements de fuite ou d’opposition (fugues, violences, mais aussi retrait relationnel…) Les plus petits, qui n’ont pas toujours la possibilité de bien comprendre les raisons de leur changement de vie, s’appuient sur la confiance qu’ils ont dans leurs aînés et sur la réassurance que leur procure leur présence.
En revanche, pour des raisons diverses liées à l’histoire familiale, les liens qui unissent la fratrie peuvent représenter une difficulté, voire un danger pour un ou plusieurs des enfants. Dans ce cas, il est préférable de ne pas réunir les enfants sous un même toit. Dans les situations complexes ou ambivalentes, diverses options s’offrent aux équipes éducatives : accueillir les frères et sœurs séparément ou par petits groupes dans plusieurs maisons, puis évaluer avec le temps si la situation évolue et si les liens fraternels peuvent devenir ou redevenir soutenants pour les enfants, et si une réunion peut se justifier.
Dans tous les cas, les équipes éducatives ont pour rôle d’accompagner les liens fraternels, y compris si besoin, avec des frères et sœurs non accueillis au Village. L’histoire familiale rend nécessairement ces liens complexes, elle peut renforcer ou installer des logiques d’influences et de dépendances des uns envers les autres, de conflits de loyauté (quelle posture pour celui qui a à la fois dénoncé et protégé ?) Travailler ces liens, pour l’équipe éducative, c’est travailler avec chacun des enfants l’inscription dans son histoire familiale, condition à la construction de soi.